Le 30 septembre 1994. Télémédia et Radiomutuel annonçaient la fusion de leurs réseaux AM et la création du réseau Radiomédia. Six stations fermaient de ce fait leurs portes : CJMS 1280 Montréal, CJRP 1060 Québec, CKCH 970 Hull/Ottawa, CJRS 1510 Sherbrooke, CJTR 1140 Trois-Rivières et CJMT 1420 Chicoutimi.
Je me souviens encore de l'événement comme si c'était hier. C'est ma mère qui m'avait appris la nouvelle après une longue journée d'école. Je me serais fait dire que Coke fusionnait avec Pepsi et je n'aurais pas été plus surpris ! Mes parents n'en revenaient pas eux non plus...
En route vers mon cours de piano, nous nous étions arrêtés dans le stationnement d'un restaurant McDonald's pour écouter les derniers moments de CJMS 1280. La station diffusait de la musique en continu depuis l'annonce de la fusion plus tôt le matin, et un message pré-enregistré diffusé assez régulièrement remerciait les auditeurs et les redirigeait vers CKAC.
À 18 heures précises la musique s'est tue... après deux secondes de silence, la lumière «stéréo» s'est éteinte... et une seconde plus tard, l'émetteur était fermé. Au cours des secondes suivantes un poste hispanophone de New York se fait vaguement entendre.
CJMS -- l'original, le seul vrai et unique, n'en déplaise à une certaine station de Saint-Constant -- était officiellement mort.
Mes parents et moi n'étions pas des auditeurs particulièrement assidus de CJMS. Notre écoute se limitait essentiellement aux «weekends rock n' roll» de Gaétan Bacon la fin de semaine lors de promenades en voiture -- choix de mes parents à l'origine que j'avais vite appris à apprécier au fil du temps. Pour le reste nos préférences allaient plutôt à CKAC et surtout CKVL depuis le transfert de Pierre Pascau en 1990 et d'André Arthur en 1992. Mais nous étions tous fort tristes quand même de voir une institution fermer ses portes. Nous pensions tous les trois qu'au pire cette fusion allait solidifier les postes AM restants... et qu'au mieux quelqu'un lancerait un nouveau réseau avec les fréquences désertées par Radiomédia lorsque la récession prendrait réellement fin.
J'étais le plus triste de la famille... non pas à cause de mon intérêt pour les sujets abordés par la radio AM -- à l'époque synonyme de radio qui parle -- mais parce que j'avais déjà un intérêt pour la radio... un média tellement plus intéressant à mes yeux que la télévision, à tout le moins lorsque des gens talentueux sont embauchés et qu'on les laisse être compétents.
Avec le recul je m'aperçois que cette fusion qui était censée «sauver» la radio AM a plutôt marqué le début de la fin de celle-ci.
Moins de choix, moins de diversité, moins de raisons de l'écouter. Quand un magasin ferme dans un centre commercial, cela n'augmente en rien les recettes des autres. C'est particulièrement vrai lorsque le local du défunt magasin reste vide.
On nous annonçait un objectif de 900 000 auditeurs au nouveau CKAC, un genre de CJMS renouvelé à la fréquence 730 comme l'a déjà dit André Arthur, un genre de canette de Coke avec du Pepsi dedans pour continuer ma comparaison de la radio au monde des boissons gazeuses. Cet objectif n'a évidemment jamais été atteint.
On nous avait promis que l'information serait renforcée par une meilleure situation financière des propriétaires et on est maintenant rendus avec des bulletins de nouvelles pré-enregistrés qui font place à du direct seulement si de grosses nouvelles surviennent... et on adopte une définition bien restrictive de ce qu'est une «grosse nouvelle».
On nous avait dit que la fusion améliorerait la radio AM, la programmation parlée et la survie des stations restantes. Ce qui n'a pas été le cas.
Le marché francophone de Montréal a toujours eu un appétit marqué pour la radio parlée. Il est assez incroyable de constater qu'au fil des années suivant la fusion, on assisté à la conversion de CKVL en Info 690 et la conversion de CKAC en station «all-sports». Le secteur privé laisse la Première Chaîne de Radio-Canada prendre un grand nombre d'auditeurs qui ne l'auraient jamais écouté par le passé.
Encore aujourd'hui, lorsque j'entends la chanson «Tout va changer» de Michel Fugain, je ne peux m'empêcher de penser à CJMS 1280... c'était la toute dernière pièce que le poste avait joué.
La fusion a eu lieu en septembre -- en plein milieu des sondages BBM de l'automne -- et j'ai bien l'impression que la date de la fusion en dit très long sur les vraies intentions de ceux qui l'ont réalisée.
-- Le couillon anonyme